Je rencontre régulièrement des personnes avec lesquelles j’ai des discussions franches et ouvertes sur la naturopathie, et j’ai toujours un enthousiasme vif à chaque fois qu’il s’agit de déconstruire les avis préconçus en la matière. Les évènements récents et les articles autour de la discipline n’ont fait qu’augmenter le nombre d’occurrences de ce type d’échange, et, étant moi-même en formation en naturopathie, je me vois souvent questionné - dans cet ordre - sur mes motivations à suivre une telle formation, sur mon parcours et sur ce qu’est la naturopathie.
J’observe souvent une incompréhension vis-à-vis de la pratique, de son positionnement et de son rôle, et aussi, une crainte des pratiques non-respectueuses de la médecine conventionnelle - ce en quoi je conviens aisément, j’y reviendrai. Je tiens à prendre la parole pour revenir sur ces points qui, loin de rassurer mon entourage, ancrent les stéréotypes et les peurs vis-à-vis de la naturopathie. Car, oui, la naturopathie telle que je veux la pratiquer et telle qu’elle m’est enseignée a une déontologie et une éthique.
La déontologie et l’éthique de la naturopathie qui m’est enseignée
En quoi la naturopathie peut-elle aider ? Quel est son champ d’intervention ? Quelles sont ses limites – que ces dernières soient intrinsèques ou fixées par son cadre ? Autant de questions qui sont implicitement soulevées lorsque j’ai ces discussions avec mon entourage. Les réponses à ces questions me semblent très claires en naturopathie, car sa pratique repose sur des principes et des valeurs fortes, sur une connaissance scientifique du corps humain et de son fonctionnement, et, avec toute l’humilité que cela exige lorsque l’on accompagne des individus au niveau de leur santé, sur une conscience aiguë de ses propres limites.
Comment la naturopathie peut-elle aider et quel est son champ d’intervention ?
Dans un communiqué publié en septembre 2022 [1], le « collectif naturopathie » rappelle la définition et le rôle de la discipline de la façon suivante : la naturopathie défend le « capital santé » qui repose sur l’art de rester en bonne santé, en étant un acteur autonome et en prenant soin de soi par des moyens naturels. Elle englobe l’individu dans toutes ses dimensions, parce qu’elle suppose que l’humain, dans l’entièreté qui le caractérise, peut s’exprimer sur différents plans : physique, biochimique, émotionnel, mental et socioculturel.
« Rester en bonne santé », « être un acteur autonome », « prendre soin de soi par des moyens naturels ». Ces mots sont clés. La naturopathie agit avant tout dans la prévention, en mettant en œuvre une stratégie individualisée d’hygiène de vie pour chacun-e [2]. Cette approche préventive est primordiale, et est même louée par le ministère de la Santé, pour qui nous entrons « dans l’ère de la prévention » [3]. En donnant les clés pour « rester en bonne santé », la naturopathie se donne pour objectif également de rendre autonomes les personnes qui viennent consulter. L’objectif : accompagner ces personnes pour qu'elles comprennent ce qui est en jeu, intègrent et conscientisent les bonnes pratiques et aient les cartes en main pour devenir actrices de leur propre santé. Enfin, parmi les moyens naturels évoqués figurent notamment les trois techniques majeures de la naturopathie : l'alimentation, saine, variée et équilibrée, la pratique d’une activité physique régulière modérée et la régulation du psycho-émotionnel, le tout de façon individualisée.
Au-delà de la prévention, le travail sur le « terrain » et l'hygiène de vie des personnes qui viennent consulter permet par exemple d’accompagner la gestion des troubles fonctionnels, certains desquels pouvant d’ailleurs être chroniques et les affecter, souvent, toute leur vie. Si l’on se réfère aux chiffres de l’Assurance maladie, en 2019, 20 millions de personnes ont eu recours à des soins liés à une pathologie chronique [4]. Pour reprendre les termes du professeur Grimaldi, co-auteur de l’ouvrage « Les Maladies chroniques Vers la troisième médecine », les maladies chroniques imposent de passer à une approche de « prévention individuelle où, pour se soigner, le patient doit devenir actif et adopter de nouveaux comportements » [5]. Et c’est précisément ce à quoi s’attache la discipline de la naturopathie.
Quelles sont les limites d’intervention de la naturopathie ?
Les règles de pratique édictées et répétées souvent dans le cadre de ma formation sont claires : les naturopathes ne sont pas médecins, ils et elles ne posent pas de diagnostic et n’interviennent pas dans le traitement prescrit par les médecins [6]. Les naturopathes n’interviennent pas sur les pathologies lésionnelles, aiguës, ni sur les cas d’urgence - ce que l’on appelle les pathologies d’exclusion sont clairement identifiées et explicitées lors des enseignements -, ou alors, en soutien en confort de vie, et dans ce cas, en complémentarité avec le traitement prescrit par le médecin.
Sur les pathologies chroniques diagnostiquées médicalement, les naturopathes peuvent aider à redynamiser les capacités d’auto-régulation de l’organisme et accompagner en soutien du traitement médical, en agissant sur le terrain, l'hygiène de vie et par des techniques complémentaires par exemple (alimentation, activité physique, gestion du psycho-émotionnel, techniques respiratoires, techniques manuelles selon les indications, etc.). Ces précisions sont importantes car elles rappellent que la naturopathie est respectueuse de la médecine conventionnelle, et qu’elle connaît les limites de son champ d’intervention.
Enfin, j’ajouterais que la naturopathie s’intéresse, par nature, à la santé de la personne, à sa force vitale, à son énergie de vie, plutôt qu’à sa maladie : de façon intrinsèque, la naturopathie se limite ainsi à intervenir sur ce qui va favoriser les forces vives d’auto-régulation de la personne.
Ma formation, ancrée dans la connaissance du corps humain et dans l’ouverture
Rares sont les personnes autour de moi à savoir que la formation telle qu’elle est pourvue au CENATHO, comme dans d’autres écoles partageant la même ambition, dispense un enseignement conséquent en anatomie et physiologie. [7] C’est une condition au moins indispensable pour la compréhension et l’accompagnement des personnes dans leur chemin de santé. La connaissance du fonctionnement des systèmes et appareils du corps humain (digestif, cardiovasculaire, nerveux, respiratoire, locomoteur, endocrinien, immunitaire) , notamment, est primordiale et essentielle, et son enseignement fait partie du cursus de 1200 heures de formation minimum.
Les techniques naturopathiques qui nous sont enseignées, et sur lesquelles je pourrai revenir une prochaine fois, visent à agir sur le terrain de l’individu, de façon globale et personnalisée, afin de l’optimiser et de le renforcer. Aux côtés des autres personnes qui suivent la formation de naturopathe, je suis également des cours de psychologie et de relation d’aide. Enfin et surtout, les pathologies considérées comme des exclusions en naturopathie sont, encore une fois, clairement identifiées : cela signifie que nous sommes formés pour reconnaître les troubles qui ne relèvent pas de nos domaines de compétences et pour lesquels une réorientation vers un médecin est nécessaire.
Je travaille actuellement sur mon mémoire qui porte sur la place de la naturopathie dans la médecine intégrative en France. Faire progresser la pratique naturopathique dans le paysage de la santé française est une démarche qui me tient beaucoup à cœur : elle vient de mon envie de toujours créer des liens, des ponts et des passerelles, et est ancrée dans ma formation pluridisciplinaire à Sciences Po et dans ma personnalité curieuse, ouverte et inclusive. Dans le cadre de ce mémoire, je rencontre beaucoup de naturopathes qui sont engagé.e.s dans une démarche d’ouverture, de synergie, de collaboration. Ils et elles ont conscience de leur rôle, mais aussi de leurs limites, et ont le désir profond de travailler en bonne intelligence avec les autres praticiens de santé et professionnels du bien-être, qu’ils soient conventionnels ou complémentaires.
Je suis convaincu que la naturopathie peut contribuer de façon significative au système de santé, dans l’accompagnement de l’hygiène de vie en prévention, de troubles chroniques fonctionnels diagnostiqués, de soutien en confort de vie. Au cours de mes recherches pour mon mémoire, je suis aussi rassuré et inspiré de voir naître un élan progressif, aussi bien de la part de tous les praticiens de santé complémentaires que des médecins conventionnels. J’ai eu par exemple le plaisir d’assister au Colloque de la santé intégrative organisé au CNAM en septembre 2022, sous la direction du Dr Alain Toledano, cancérologue radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann, Président Institut Rafael et Directeur chaire Santé Intégrative CNAM, et mené par Aurore Deligny Leocadio. Les intervenants de ce Colloque, qu’ils.elles soient médecins, chercheurs, patients experts ou thérapeutes complémentaires, plaidaient pour une approche centrée sur le bien-être du patient en tant que personne, et pour une approche collective, innovante, ouverte et respectueuse. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Je sais enfin que les instances fédératives et les écoles de naturopathie continueront d’œuvrer en toute transparence pour le renforcement de l’organisation de la profession en France. J’espère de tout cœur que cette reconnaissance évoluera dans le bon sens [7]. Je reviendrai certainement dans une prochaine publication sur ce qu’est précisément la naturopathie et sur la manière dont elle accompagne les personnes, mais je souhaitais avant tout revenir sur le cadre dans lequel elle intervient et sur la façon dont j’entends la pratiquer. Cette mise au point est importante pour moi, non pas pour cristalliser davantage les oppositions qui pourraient exister, mais pour rassurer, pour ouvrir le dialogue et pour faire apercevoir la volonté de collaboration qui anime la discipline et ses représentants.
*Cette publication reflète mon vécu, ma propre expérience et mes observations.*
*Cette publication est également diffusée sur le réseau LinkedIn.*
Liens :
[2] Article 29 du Code de déontologie du naturopathe établi par la Féna : https://lafena.fr/project/code-de-deontologie/https://lafena.fr/project/code-de-deontologie/
[4] https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2019/2019_14_maladies_chroniques.pdf ; Audition du Professeur Grimaldi, professeur émérite de diabétologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Université Paris VI, pour ce même avis du CESE
[5] https://www.odilejacob.fr/catalogue/medecine/medecine-generale/maladies-chroniques_9782738135261.php
[6] Articles 22 et 35 du Code de déontologie du naturopathe établi par la Féna : https://lafena.fr/project/code-de-deontologie/https://lafena.fr/project/code-de-deontologie/
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